Si l'on a coutume de dire que les relations économiques entre la France et la Russie ne sont pas à la hauteur de leurs relations politiques, cela ne signifie pas grand chose, tant il est difficile de comparer des relations de nature très différente. Regardons donc comment évoluent aujourd'hui ces relations économiques.
Voyons d'abord les échanges commerciaux - ou plutôt des exportations françaises en Russie : nous importons essentiellement (pour 88 % en 2003) des produits énergétiques, et le solde de la balance bilatérale dépend plus des cours du pétrole que des efforts commerciaux des uns ou des autres.
S'agissant donc des exportations françaises, elles connaissent une forte progression : elles ont été multipliées par plus de deux depuis 1999, année il est vrai fortement marquée par la crise financière de 1998. Plus intéressant, elles progressent au rythme de 20% par an depuis le début de 2003, contribution très utile à un commerce extérieur français qui, globalement, est en difficultés depuis quelques mois. Regardons les chiffres plus en détail. Une des premières raisons de nos bons résultats est due à la construction aéronautique. Aeroflot a acheté 18 Airbus en 2002 ; ils sont livrés progressivement jusqu'à la fin de l'année. D'autres postes poursuivent une forte tendance ascendante : la parfumerie, la pharmacie, l'automobile. Là, c'est la bonne tenue de la consommation qui entraîne nos ventes. Mais on observe également depuis le début de l'année une forte progression de nos exportations de biens d'équipement professionnel, ce qui correspond à une progression de l'investissement en Russie et montre que, dans ce domaine aussi, l'offre française s'adapte à la demande russe. Mais, en dépit de ces chiffres flatteurs, la part du marché russe détenue par les entreprises françaises stagne autour de 4 %, voire régresse légèrement. Pourquoi ? C'est que la dynamique des importations russes est encore plus forte : sur le premier semestre de 2004, elles ont progressé de 32% (en dollars il est vrai). Au total, notre part de marché s'établit à 3,98% sur cette période, mais nous passons devant l'Italie, qui ne détient plus que 3,94%. Au cours de cette période, ce sont les fournisseurs asiatiques, et plus particulièrement japonais, qui progressent le plus fortement : leur part de marché passe de 3,22 en 2003 à 5,19 au premier semestre.
Et du côté des investissements ? Les données sont très contradictoires car les statistiques officielles, qu'elles soient russes ou françaises, ne prennent en compte qu'une partie de la réalité. Par ailleurs, la détermination de la " nationalité " d'un investissement étranger, par ces temps de mondialisation, est toujours un exercice délicat et par nature contestable. Néanmoins, la Mission économique à Moscou a procédé à un comptage "manuel", les investissements français n'étant pas si nombreux. A la fin 2003, le stock d'IDE français s'approchait du milliard d'euros ; il était de 1,5 milliard à la mi-2004 et devrait atteindre 2,5 milliards à la fin de l'année en cours. Il y a donc une véritable accélération, qui porte tant sur des investissements ex nihilo (Michelin, Renault, laine de verre pour Saint-Gobain, Bonduelle) que, de plus en plus souvent, sur des rachats d'entreprises (Lafarge, Lesaffre, BNP Paribas, produits de renforcement pour Saint-Gobain, Altadis, Total). Cela s'explique par la persistance des fondamentaux positifs de l'économie russe et, dans la majorité des cas, par la volonté de prendre position sur un marché de consommation en progression très rapide. Cette tendance se manifeste en dépit du fait qu'investir en Russie relève encore largement du "parcours du combattant" et que les comptes des entreprises, dans le cas d'un rachat, sont toujours difficiles à démêler. En Russie, les IDE restent à un niveau faible, comparé à l'Europe centrale ou à la Chine, mais des frémissements apparaissent. En règle générale, on investit en Russie pour le marché local et non pour exporter ; il y a donc peu de délocalisations.
Au total, beaucoup d'indices montrent que nos entreprises ont appris le chemin de la Russie. Elles y rencontrent des succès importants, mais qui pourraient être plus importants encore.
Par Paul HUNSINGER, Ministre-Conseiller, Chef de la Mission économique en Russie
Source: larevueparlementaire.fr
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